Jean GUICHARD

Recherches :

« Orientation et construction de soi tout au long de la vie »

Le thème de « l'orientation et de la construction de soi tout au long de la vie » unifie l'ensemble des recherches, commencées dès la thèse de doctorat. Celle-ci portait sur la formation des projets d'avenir des lycéens et sur les processus sous-jacents à leurs « choix » d'orientation. Une analyse critique des principaux modèles existant dans ce domaine a ensuite été développée. Une observation a été alors effectuée : celle du rôle de la structure du système scolaire, des règles qui y prévalent et des formes d'interaction qu'elle autorise dans la structuration des représentations des jeunes (de soi, des professions, des formations, et - plus généralement - « de leur avenir »).

 De tels constats conduisent à des questions plus générales. Par exemple, celles de la diversité des structures de « connaissances spontanées d'objets sociaux », de leur genèse, de leur transformation et de leur rôle dans l'assimilation de connaissances nouvelles, etc. ou encore celle des modes de rapports de l'individu à « son » ou à « ses » monde(s), ainsi qu'à lui-même. Un ensemble de travaux empiriques ont ainsi permis de distinguer trois types de représentations des professions (sociales, intimes, descriptives) différant, notamment, quant aux processus de leur transformation.

 Cette observation d'une pluralité de rapports (notamment cognitifs) de l'individu au monde qui l'entoure a conduit à revenir à la question du statut du « sujet » et de la « subjectivité » en psychologie. Un cadre théorique général permettant de comprendre les facteurs et processus du « life designing » (devenu, au cours de cette dernière décennie, l'un des objets majeurs d'étude de la psychologie de l'orientation) a été proposé. Ce modèle se centre sur la construction de soi. Dans une perspective structurale, le soi (en tant qu'objet, pour reprendre la distinction de William James) y est conçu comme un système dynamique de formes identitaires subjectives (SFIS). Chacune d'elles peut être définie comme un ensemble de manières d'être, d'agir et d'interagir en lien avec une certaine représentation de soi dans un certain contexte. L'individu se constitue dans des « formes identitaires » différentes en fonction des contextes et des interactions dans lesquelles il s'engage. Néanmoins, une (ou plusieurs) de ces formes peut être plus centrale(s) que d'autres pour un individu donné à une certaine période de sa vie. Elle joue alors un rôle essentiel dans l'organisation de son SFIS. Les formes identitaires renvoient à des schémas cognitifs sous-jacents : des cadres cognitifs identitaires. Ceux-ci correspondent aux représentations cognitives des « prototypes identitaires » d'une société donnée. Ils forment un système dans l'esprit de l'individu. Dans une perspective dynamique (celle du soi en tant que sujet), la construction de soi apparaît ainsi comme une activité continuée de « totalisation de soi » (une « personnalisation », une « identisation ») reposant sur une tension entre deux modes de réflexivité constitutifs du psychisme humain : celle du « je - me » de l'identification et anticipation de soi et celle du « je - tu - il/elle » de l'interprétation dialogique de la personne. Elle se manifeste à la fois par des transformations de la structure du SFIS et par la constitution de certaines formes identitaires subjectives et l'obsolescence d'autres (qui, devenant des formes passées, peuvent néanmoins encore exercer une influence dans le présent).

 Des travaux empiriques sont en cours, en vue, d'une part, de décrire le système des formes identitaires subjectives de jeunes scolarisés dans des filières différentes et, d'autre part, d'observer son évolution lors de transitions (par exemple : passage du lycée à l'enseignement supérieur). Le modèle précédent a, par ailleurs, permis de définir un cadre général pour des entretiens de conseil en orientation destinés à des adolescents ou à des adultes émergeants. Ils sont actuellement mis à l'épreuve avec des lycéens et étudiants volontaires en vue de les accompagner (1) dans la description de leur système de formes identitaires subjectives et (2) dans sa mise en perspective du point de vue de certaines formes subjectives anticipées. L'hypothèse est posée que l'engagement dans une telle analyse et dans une telle mise en perspective devrait dynamiser les jeunes concernés et leur permettre ainsi (1) de faire face plus efficacement aux diverses exigences auxquelles ils sont confrontés, notamment lors de transitions et (2) d'accroître leurs chances d'atteindre les principaux objectifs qu'ils ont pu se donner. Dans une perspective voisine, les méthodes d'éducation en orientation « Découvertes des Activités Professionnelles et Projets Personnels » (conçues dans les années quatre-vingt et qui furent alors l'objet de nombreuses recherches mettant en œuvre des plans quasi-expérimentaux) sont en cours de rénovation. Elles seront testées auprès de divers groupes de jeunes (sortis sans diplômes de l'école, lycéens généraux ou des filières professionnelles et technologiques, étudiants, etc.).

 

Mots-clés : Orientation, transition, conseil en orientation, éducation à l'orientation, transition, soi, identité, adolescence, adulte émergeant, construction de soi.

ENSEIGNEMENTS

Principaux thèmes des enseignements : -       Questions de société, modélisations scientifiques, objectifs et finalités des interventions d'accompagnement en orientation, -       Représentations de soi, représentations sociales, intimes et analytiques des professions et intentions d'avenir des adolescents et des jeunes adultes, -       Transitions, travail et construction de soi tout au long de la vie, -       Les méthodes qualitatives de production de données.